Attendre cent sept ans

Cent sept carêmes 
Attendre cent ans représentait déjà beaucoup. C'était la forme première de l'expression. 
Les sept ans de rabiot sont dus à la symbolique d'origine biblique du chiffre sept et au télescopage avec deux expressions voisines. En Anjou, on attendait sept ans et un carême et, au Québec, c'était sept ans et sept carêmes. Car rien n'est plus long qu'un carême sans faire gras !


Avoir de la corde de pendu dans sa poche

Se dit d'un homme qui gagne toujours et beaucoup au jeu, qui réussit dans tout ce qu'il entreprend − par allusion à la croyance populaire qui veut qu'un bout de corde de pendu porte bonheur à celui qui l'a habituellement sur soi.


Avoir des atomes crochus

L'atome est vieux de 2000 ans. Il fut inventé par les philosophes grecs Leucippe et Démocrite qui se refusaient à croire à l'intervention des dieux dans la création du monde.
Pour eux, l'univers tout entier était constitué de vide et de particules insécables (c'est ce que signifie atomos en grec : qu'on ne peut couper). Démocrite avait imaginé que ces atomes s'accrochaient les uns aux autres. 
La physique nucléaire moderne ne retiendra pas cette hypothèse, mais la psychologie populaire le fera, pour évoquer la sympathie qui s'établit entre deux êtres.


Croiser les doigts

L'expression croiser les doigts n'a d'autre signification que conjurer le mauvais sort, qu'on accompagne le geste à la parole ou qu'on y fasse plus simplement qu'allusion.
Il s'agirait d'un anglicisme culturel (to cross one's fingers), jugé probablement plus chic que le fait de toucher du bois.


Devoir une fière chandelle à quelqu'un

Avoir à lui brûler un cierge 
Pour demander une grâce à un saint, il est d'usage de faire brûler un cierge au pied de sa statue dans une église. Si, par bonheur, le saint vous entend et exauce votre vœu, vous lui devez alors une fière chandelle (dans le sens de fameuse).


Effeuiller la marguerite

Détacher un à un les pétales de cette fleur 
En disant par jeu ou par superstition : il aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout, pour savoir si l'on est aimé, le dernier pétale arraché étant censé donner la bonne réponse. 
On trouve l'expression chez Musset (1837) mais le jeu, fondé sur la croyance aux propriétés divinatoires de cette fleur, semble d'origine normande et paraît plus ancien. 
L'expression n'est plus très employée, sauf dans une intention délibérée d'archaïsme, au sens de conter fleurette, badiner, et − par plaisanterie − dans un contexte moins innocent.


Envoyer au diable Vauvert

Envoyer paître 
Envoyer quelqu'un au diable, c'est souhaiter le voir partir pour un lieu d'où il ne reviendra jamais. L'envoyer aux cent mille diables, c'est encore plus loin. Mais quel est donc ce diable vert ou vauvert quand la tradition l'habille de rouge ou de noir ?!! 
Les Parisiens disaient faire le diable de Vauvert, ce qui signifiait se démener : comme un diable dans un bénitier. Selon la rumeur publique, vivait autrefois dans les ruines du château de Vauvert un démon redoutable.
Au temps de Saint Louis, les Chartreux y avaient fondé une abbaye réussissant à le chasser hors des murs de la ville bien après la place d'Enfer (qui deviendra curieusement la place Denfert-Rochereau dans le XIVe arrondissement).
C'était loin pour un Parisien de l'époque. Ce qui explique la première forme de l'expression : au diable vauvert. Le diable de Vauvert ne fait plus parler de lui. 
S'est-il repenti après être rentré chez les moines de l'abbaye ou bien est-il parti vivre très loin à la campagne (au vert !) ? Son suppléant le diable vert habite, croit-on, en lieu encore plus lointain, en pleine verdure.


Être né coiffé

Par dame Fortune 
Il arrive qu'un enfant vienne au monde avec une coiffe sur la tête, un fragment de la poche des eaux. 
Heureux présage déjà chez les Romains : le nouveau-né aura beaucoup de chance dans la vie. Être né coiffé ne se limite pas, en principe, à l'heur d'une riche naissance − ce que les Anglais appellent d'une façon plus explicite venir au monde avec une cuillère en argent dans la bouche. D'abord, l'expression a un fondement exact en obstétrique : certains bébés portent à la naissance, enveloppant leur crâne, une coiffe (c'est le terme), constituée par une partie de la membrane fœtale, autrement dit par la poche des eaux.
« On les appelle des enfants coiffés. 
Si mon père m'eust fait coëffé 
Et qu'il eust moins philosophé,
Il eust amassé davantage »
dit Scarron, impotent et en mal d'argent. 
Depuis l'Antiquité et un peu partout dans le monde, les peuples ont vu dans ce détail de l'accouchement un signe de chance infaillible pour le nouveau-né, un principe de réussite et de bonheur dans la vie. 
On dit qu'un homme est né coiffé pour dire qu'il est heureux, l'opinion du vulgaire ayant attribué cette vertu à cette « coeffe que quelques enfans apportent au monde ». 
Cette superstition est très ancienne. Lampridius en parle dans la vie d'Antonin : « Cet empereur étoit né coiffé avec une espece de bandeau sur le front, en forme de diadème : c'est pour cela qu'il se fit appeler Diadumene. »
Comme il jouit d'une constante prospérité pendant tout le cours de son règne, son bonheur confirma l'opinion de ceux qui s'imaginent que les gens « nez coiffez sont heureux. Depuis on s'en servit pour des sortilèges, & pour des maléfices [...]. »
Lampridius témoigne que les sages femmes « vendoient bien cher cette coeffe à des Avocatz, qui étoient persuadez qu'en la portant sur eux ils auroient une force de persuader, à laquelle les Juges ne pourraient resister. »
« Les Canons deffendent de s'en servir parceque les sorciers en usoient dans leurs maléfices », Furetière.


Faire la pluie et le beau temps

Faire des autres tout ce qu'on veut, être fort écouté
L'expression fait très certainement allusion à Jupiter ou Zeus, souverain des dieux qui régnait sur le ciel et disposait de la pluie ou du beau temps. 
Plus tard, l'expression fit référence aux astrologues auxquels on prêtait une grande science et qu'on allait jusqu'à croire capable de faire, à l'instar de Zeus, la pluie et le beau temps. 
À noter que la locution parler de la pluie et du beau temps signifie parler de choses banales et insignifiantes, la pluie et le beau temps étant un sujet de conversation sur lequel on se rabat quand on n'a rien à dire.


L'avocat du diable

Qui prêche contre son saint 
Celui qui joue à l'avocat du diable plaide pour une cause indéfendable, bien souvent par jeu. 
L'expression vient du droit canon : au Vatican, l'advocatus diaboli est le procureur chargé auprès du tribunal du Saint-Siège de contester un dossier de canonisation. Il est censé représenter l'adversaire du futur saint, le démon. Une présomption importante en faveur de l'impétrant était sa mort en odeur de sainteté, odeur due aux suaves effluves qui se répandaient paraît-il autour de sa sépulture. Les légendes médiévales assuraient de même que le sang du Christ était parfumé à la myrrhe. Mais de nos jours, si vous n'êtes pas en odeur de sainteté auprès de certains, c'est qu'ils ne peuvent vraiment pas vous sentir !

Les arcanes de la politique

Tout ce qui est secret et mystérieux, ce qui ne se dit pas, sauf à un cercle d'initiés, peut être qualifié d'arcanes, qu'il s'agisse du domaine des arts, des sciences ou de la politique.
Le terme (du latin arcanum, secret) fait référence aux alchimistes qui disaient avoir découvert un remède infaillible afin de prolonger la vie ad vitam aeternam.
Seuls les inventeurs connaissaient la composition mystérieuse et secrète de cette panacée. Au XVe siècle, l'alchimiste et médecin suisse Paracelse donna une définition de l'arcane comme étant une substance incorporelle, immortelle et dont la nature est fort au-dessus de l'intelligence humaine. 
Inutile donc d'essayer de comprendre !
Longtemps employé dans le langage médical, le mot arcane faisait référence aux remèdes mystérieux et sans aucune valeur scientifique, auxquels étaient prêtées des vertus curatives, élixir de longue vie ou de jeunesse éternelle, remèdes très prisés par les crédules en qui les charlatans ont, de tous temps, trouvé une proie facile.
Paracelse fit scandale en critiquant les plus grands médecins de l'Antiquité, allant même jusqu'à brûler leurs œuvres. Suite à ses démêlés avec la justice, il dut quitter Bâle ; après une vie d'errance et de dénuement, Paracelse mourut misérablement dans une taverne de Salzbourg, à l'âge de 48 ans.
Triste fin pour celui qui avait prétendu posséder le moyen de prolonger la vie humaine de plusieurs siècles !


Nouer l'aiguillette

Fermer la braguette
Délaissées par leur amant, les femmes jalouses se vengeaient en demandant au sorcier du village de le rendre impuissant. Le jeteur de sorts se postait sur les marches de l'église le jour du mariage de l'infidèle et récitait des formules magiques tout en faisant des nœuds rituels sur une cordelette. 
Cette cordelette était censée représenter l'aiguillette qui fermait la braguette du jeune marié. Ainsi elle ne pourrait plus s'ouvrir pour que le mariage soit consommé.
Pour protéger le couple contre pareil maléfice, il existait des antidotes magiques : par exemple, demander au jeune marié de cacher dans sa braguette un morceau de cierge pascal pendant la messe de mariage !
Les aiguillettes, cordonnets ferrés aux deux bouts, servaient à attacher la braguette aux hauts-de-chausses. Les premières braguettes étaient des poches de cuir externes prétendant dissimuler les attributs virils, mais qui en fait étaient là pour les mettre en évidence. À tel point que l'aiguillette était devenue le signe d'infamie que devaient arborer les prostituées.
De nos jours, seuls les militaires en grande tenue arborent encore des aiguillettes !


Oiseau de mauvais augure

Caton l'Ancien, Tite-Live et Cicéron tenaient cette croyance pour ridicule. À Rome, les augures étaient les prêtres chargés d'observer les présages du ciel et d'en avertir les autorités dont la politique dépendait en grande partie de ce qui était ainsi annoncé.
Les augures formaient un des quatre collèges sacerdotaux. Tout d'abord au nombre de trois, on compta jusqu'à quinze augures et rien ne pouvait être décidé sans consultation de leur avis.
Déclaraient-ils que les dieux n'étaient pas bien disposés, tout était alors interrompu. On voit là l'importance de ce corps auquel seuls les patriciens eurent d'abord accès.
Les cérémonies augurales étaient compliquées et accompagnées d'un rite très élaboré. Vers minuit, sur le pomoerium, grand chemin inculte qui ceinturait Rome à l'extérieur des murailles, les augures allaient prédire l'avenir à l'entrée d'une tente. Ils étaient vêtus de leur toge et tenaient leur bâton augural, fait dans un bois sans nœud, symbole de leur dignité.
Il y avait deux corps d'augures : l'auspice et l'augure proprement dit. Le prêtre observait avec soin le vol des oiseaux, puis écoutait leur chant avant de formuler des prophéties.
Certains volatiles étaient parfois mis à mort. L'augure étudiait alors leurs mouvements d'agonie, puis lisait dans leurs entrailles. Selon le résultat, l'oiseau se révélait être de bon ou de mauvais augure et l'avenir immédiat de la cité était suspendu aux lèvres du prêtre. À en croire certains historiens, les oiseaux étaient parfois remplacés par un être humain immolé sur un autel...
Ce genre de présage ou de divination se retrouvait chez les Mexicains pour qui les aigles, vautours, corbeaux, cygnes et même les insectes, étaient annonciateurs de bienfaits ou de malheurs. 
Aujourd'hui, est qualifié de bon ou de mauvais augure ce qui laisse présager quelque chose d'heureux ou de désagréable.


Porter la guigne

Jeter le mauvais sort 
Longtemps, on a cru dur comme fer que certaines personnes avaient le mauvais œil, le pouvoir de porter malheur si on croisait leur regard. 
On se méfiait surtout des bohémiennes et de ceux qui vous regardaient de travers, et tout particulièrement des guigneux comme on appelle encore dans la campagne normande les personnes atteintes de strabisme. Elles portaient la guigne
Loucher se disait en effet, jadis, guigner (du francisque wingjan, faire un signe de l'œil, to wink en anglais).


Poudre de Perlimpinpin

Remède à tous les maux, la poudre de perlimpinpin était vendue sur les foires. 
Panacée miraculeuse, son pouvoir venait de la formule magique (d'origine plutôt obscure) que le charlatan prononçait en la préparant sous les yeux de la foule : « prelim-pin-pin ».

Regagner ses pénates

Une triade divine protégeait le foyer des anciens Romains : la déesse Vesta, grande prêtresse du feu (adorée par les vestales), les dieux lares qui incarnaient l'âme des morts sous la forme de statuettes d'adolescents et enfin les Pénates, dieux domestiques qui veillaient à la nourriture. Un autel pour célébrer leur culte leur était dressé dans chaque maison.

Remuer ciel et terre

l'expression remuer ciel et terre signifie employer tous les moyens (notamment dans une recherche, et vient du latin miscerer coelum ac terras, Tite-Live) 
L'expression est banale, si l'on interprète ciel et terre comme une coordination stable, équivalant simplement à l'univers entier, mais une analyse plus poussée du syntagme en ses composantes amène la constatation suivante : La référence concrète de remuer la terre transmet à remuer le ciel une valeur matérielle (fouiller, retourner) qui évoque obscurément des valeurs prométhéennes. 
La locution se trouve déjà au XVIe siècle (Cholières) et, en moyen français, la variante tourner le ciel et la terre (Rabelais). Dans l'usage courant le ciel et la terre représente platement tout ce qui nous entoure et sur quoi agir, le ciel renvoyant sans doute aux puissances et aux autorités, la terre au commun des mortels.


Reprendre du poil de la bête

Croyance populaire très ancienne, déjà mentionnée par Pline l'Ancien : appliquer sur une morsure le poil du chien qui vous a mordu vous guérit. 
Disent de même une locution italienne (del cane que morde el pelo sane), une locution espagnole (curarse con mismo palos), et une locution anglaise (take a hair of the same dog that bit you).
Il faut donc entendre reprendre comme prendre du poil de la même bête et ne pas chercher dans le mot poil l'idée de force virile comme dans avoir du poil aux yeux.


Rompre le charme

Conjurer le mauvais sort 
L'illusion est rompue, la situation euphorique dans laquelle on se trouve soudain a disparu : tel est le sens donné aujourd'hui à l'expression. 
Mais au temps des sorciers et des sorcières, il en allait différemment. Rompre un charme (du latin carmen, incantation, magie), c'était conjurer un sort jeté par un envoûteur. Il existait autant de formules magiques pour rompre un charme que pour le jeter !


Saisir l'occasion aux cheveux

Les Romains, qui en laissaient rarement passer une, représentaient l'Occasion sous la forme d'une déesse nue, aux pieds ailés, chauve sur le derrière de la tête, tenant un rasoir d'une main et de l'autre un voile tendu au vent. Mais une longue tresse de cheveux lui pendait par-devant, seul endroit par où on pouvait la saisir au passage. Le symbole est évident qui sous-tend le dicton : L'occasion est chauve.
En effet, les cheveux constituent chez l'homme une prise facile, c'est un peu la poignée du couvercle ou l'anse du panier. De la tignasse des écoliers aux longues nattes des belles martyres des premiers temps de notre ère, on a toujours largement utilisé ce point d'ancrage pour forcer les gens à faire ce qu'ils refusaient de faire. 
« S'il [l'amour] nel veut reprendre 
Por ce ne l'irai-je pas prendre 
Par ses biaus cheveux »
dit un texte du XIIIe siècle. On a même vu que, pour plus de commodité, on attachait les gens à la queue d'un cheval de trait pour les traîner sur le sol jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Quand une chose est tirée par les cheveux, c'est qu'elle n'arrive pas de bonne grâce : « On dit qu'un passage, qu'une comparaison sont tirés par les cheveux lorsqu'ils ne viennent pas naturellement au sujet, qu'ils sont tirez trop loin, & amenez par force & par machine », dit Furetière. 
Amyot, parlant au XVIe siècle des interprétations bizarres que d'aucuns veulent à tout prix tirer des œuvres des poètes, disait : « quelques uns les tordant à force, et les tirant, comme l'ont dit, par les cheveux, en expositions allégoriques. » 
On rapporte que les musulmans se rasaient le crâne, ne laissant qu'une seule mèche afin qu'après leur mort Mahomet puisse les empoigner par là pour les hisser vers son paradis.
On a dit également que c'était le sens de la mèche des Indiens rasés d'Amérique, lesquels, avec un sens de la courtoisie dont on n'a plus idée, se laissaient une poignée de cheveux sur le scalp afin que, s'ils venaient à être tués au combat, leur ennemi ait moins de mal à le leur arracher...
Malheureusement, selon des historiens avertis, l'habitude de scalper son prochain ne serait pas du tout un trait de la culture indienne. Elle aurait au contraire été introduite par les conquérants qui, pour encourager les autochtones à s'entre-tuer, payaient le cadavre d'Indien à la pièce, sur présentation de la peau du crâne, comme on offre une prime par queue de renard abattu ! 
Comme dit le Coran : Un cheveu même a son ombre − les plus petits détails ont leur importance.


Se lever du pied gauche

Menace de sinistre 
Se lever du mauvais pied, c'est se sentir de mauvaise humeur dès le matin. On a commencé par dire être sur le pied gauche dans le sens de se trouver embarrassé, mal à l'aise. 
Ce n'est qu'à partir du XVe siècle que les mots droite et gauche replaceront dextre et senestre. Mais gauche gardera la même connotation péjorative que senestre dont on sait que dérive le mot sinistre
Pour les augures grecs, un vol d'oiseau venant de la partie gauche du ciel était un signe funeste. Les mots ne font que traduire la réalité : si la gauche est chargée de tant d'opprobre, c'est que 90% des gens sont droitiers.


Se porter comme un charme

Comme sous l'effet d'un charme 
Aux yeux des bossus, des tordus, des contrefaits, des estropiés, des égrotants, des cacochymes, des ladres et des scrofuleux qui abondaient à l'époque des sorciers et des sorcières, les bien portants ne pouvaient avoir la chance d'être en bonne santé que sous l'effet d'un charme, d'un pouvoir magique. 
Et n'en déplaise à monsieur Larousse, la locution n'a rien à voir avec l'arbre qui peuple les charmilles.


Toucher du bois

Pour s'assurer de sa virilité 
On pourrait croire ce geste destiné à conjurer le mauvais sort est inspiré par le bois de la croix de Jésus. 
Eh non ! C'est le signe de croix qui protège. L'origine de cette superstition est en fait beaucoup plus triviale et se perd dans la nuit des temps. Elle vient du geste de l'homme qui porte la main à son membre viril pour s'assurer qu'ayant la trique, il est bien vivant. Il conjure ainsi tout mauvais sort, synonyme de mort. 
L'argot fourmille de termes boisés pour désigner le sexe de l'homme : le gourdin, la gaule, le manche, la trique... 
Pour conjurer le mauvais sort, les Italiens disent toucher du fer. La symbolique est identique.


À Pâques ou à la Trinité

... quand Malbrough reviendra de guerre − c'est-à-dire jamais ! 
Même les enfants savent que 
« Malbrough ne sait quand reviendra
Il reviendra-z-à Pâques
Ou à la Trinité
La Trinité se passe
Malbrough ne revient pas » 
Il ne peut revenir puisque 
« Monsieur Malbrough est mort,
Est mort et enterré. »

La tradition voudrait que ce soit Mme Poitrine, la nourrice du Dauphin, qui ait appris cet air à son royal nourrisson et à toute la cour de Marie-Antoinette. Les paroles dateraient de la bataille de Malplaquet en 1709 où John Churchill, duc de Malborough, battit les troupes françaises du maréchal de Villars.

Pour se donner du courage avant la bataille, les soldats français auraient brocardé sur la mort de cet ennemi réputé invincible. Malbrough mourra effectivement invaincu treize ans plus tard, à 72 ans, dans son lit !


Aller à Canossa

Pour faire amende honorable 
Henri IV, l'empereur d'Allemagne, pas le roi de France, fut frappé d'excommunication lors de la querelle des Investitures en 1077. Pour faire lever la sentence, il demanda à être reçu par le pape Grégoire VII qui résidait au château de Canossa près de Modène. Pour l'humilier, le souverain pontife le fit attendre plusieurs jours sous la neige avant de lui accorder audience. 
Nous devons l'expression à Bismarck.


Avoir l'œil américain

Comme le dernier des Mohicans 
Remarquer un détail du premier coup d'œil n'est pas à la portée de tous nos voisins d'Outre-Atlantique, seulement des Indiens d'Amérique, réputés pour leur vue perçante à la suite de la parution en France en 1850 du célèbre roman de James Fenimore Cooper, Le Dernier des Mohicans.


Avoir le compas dans l'œil

Comme Michel-ange 
Le compas à tracer des cercles comporte une pointe acérée et se le mettre dans l'œil serait risqué... 
Avoir le compas dans l'œil est nettement moins dangereux. On peut ainsi estimer avec exactitude des distances sans prendre de mesures. 
Michel-Ange avait ce don. On lui attribue d'ailleurs la paternité de la locution. Rappelons que les compas d'autrefois (du latin compassare, mesurer le pas) ne comportaient pas de pointes acérées. Ils servaient surtout à reporter des distances.

Briguer l'habit vert

Impossible, il est noir ! 
Contrairement à ce que beaucoup croient, l'uniforme des académiciens est un habit noir depuis sa création au temps de la Convention. 
N'en déplaise à Robert de Flers et à Gaston Arman de Caillavet les auteurs de la comédie L'Habit vert créée en 1912, qui ont popularisé le terme, ne sont vertes que les broderies en feuilles d'olivier qui ornent les revers de l'Immortel.