« Dia ! Dia ! » criaient les cochers en claquant leur fouet, « Da ! Da ! », reprenaient les bambins. C'est ainsi que le noble animal, la «plus belle conquête de l'homme» est devenu dada dans la langue enfantine, dès les temps anciens, comme naguère l'automobile était devenue toto.
Il est naturel qu'un animal à la fois aussi prestigieux pour un enfant et aussi familièrement quotidien ait toujours constitué le jeu favori des petits garçons, sous la forme de substituts divers, allant du simple bâton empanaché au cheval de bois toutes catégories, dont la chaise à bascule ornée d'une tête de bidet constituait la version bébé. Selon Rabelais, un ancêtre de Pantagruel avait échappé au Déluge en chevauchant l'arche de Noé dans laquelle, vu sa taille, il n'avait pu trouver place : « Il estoit dessus l'Arche à cheval, jambe deça, jambe delà, comme les petitz enfans sus des chevaulx de boys ». La fascination pour le jouet s'est transportée naturellement sur les amusettes et autres idées fixes du monde adulte, qu'il s'agisse d'une collection de castagnettes andalouses ou bien d'obscurs branchements de radioamateurs.
À noter au passage que l'anglais hobby, de hobby-horse (cheval de petite taille) a exactement le même sens et la même évolution. « Enfourcher son dada » est donc à peine une métaphore : « Un homme qui n'a point de dada ignore tout le parti que l'on peut tirer de la vie », affirme Balzac.