On ne travaille que depuis le début du XVIe siècle !
Mais le mot existe depuis bien longtemps. Au XIIe siècle, le travail, voyez l'impertinence, c'était la torture − du latin tripalium, instrument de torture composé de trois pieux. De là, le mot est passé à cette machine où l'on assujettit les bœufs pour les ferrer que l'on voit, et que l'on utilise encore sous ce nom, dans les vieux villages.
Pendant tout le Moyen Âge, travailler voulait dire tourmenter, peiner, souffrir, notamment en parlant d'une femme qui va accoucher.
Dans un lai de Marie de France, le chevalier Guigemar, blessé et terriblement amoureux, passe une très mauvaise nuit :
« Li est venu novel purpens* [pensée]
E dit que suffrir li esteut* [il lui faut]
Kar issi* fait ki mes* [ainsi / plus] ne peut.
Tute la nuit a si veillé
E suspiré e travaillé »
C'est ce sens original qui est demeuré quand on dit que les soucis nous travaillent, nous tourmentent ou bien les rhumatismes, ou même un cor au pied. Il reste sûrement un relent, dans l'enchaînement se travailler l'esprit, se tourmenter la matière grise, avec l'expression banale : travailler du chapeau.
En tout cas, travailler, c'est œuvrer, bien péniblement, avec la sueur qui s'ensuit... « Travailler, prenez de la peine, c'est le fond qui manque le moins », dit La Fontaine qui savait le français.
Quant au sabot, il y en a un qui dort profondément. Pourquoi l'autre travaillerait-il comme un dégoûtant ?... Peut-être parce qu'une fois aux pieds les sabots s'agitent, cognent, claquent et font un pétard bien connu − du moins une sorte de souvenir collectif... Ce n'est guère convaincant...
Il existait un verbe saboter, qui au XVIe et au XVIIe siècles, voulait dire secouer, tourmenter ; doublé en cela par sabouler, un mot plus ou moins issu de lui : « Le bruit courait que vous aviez eu deux chevaux tués entre les jambes, esté porté par terre, saboulé et pétillé aux pieds des chevaux de plusieurs escadrons », Sully
Il me paraît plus logique de penser que l'ancien saboter une personne, la tourmenter (Oudin) soit venu de la toupie que l'on fouette et peut-être même par des voies un peu plus détournées, liées à un autre genre de travail !
Travailler à coups de trique ? On rencontre là toute une sémantique paillard : Travailler comme un manche c'est-à-dire un pénis, salement − on retombe sur sabouler dans le sens de coïter, dès Rabelais : « Les laquais de cour, par les degrés entre les huis, saboulaient sa femme à plaisir » − et d'ailleurs travailler lui-même, dès le XVIe siècle également : « Comme le bonhomme Hauteroue disait travaillant sa première femme » (Beroalde de Vervill, Guiraud).
Un sabot était au XIXème siècle, une fille de la dernière catégorie, mal faite, mal habillée.
Travailler comme un sabot bien que non attesté, serait-il simplement besogner comme un imbécile ?... Quoi qu'il en soit, dans ces champs tortus qui s'entremêlent, saboteren est venu à signifier travailler mal, bâcler la besogne.
De là, le sabotage, le travail volontairement manqué, puis la malveillance précise destinée à empêcher le fonctionnement d'une machine, avec le succès qu'on lui a connu pendant la dernière guerre mondiale.