La Harpe, Cours de littérature, « Siècle de Louis XIV », I, III, ch. IV, s.3 (1799)
La tradition attribue volontiers à Mme de Sévigné ce jugement qui reste a contrario comme une menace pour le critique littéraire : « Racine passera comme le café ». Il est presque dommage pour l'esprit de la marquise qu'il faille lui retirer la maternité. La célèbre épistolière n'avait cependant pas englobé le dramaturge et la boisson dans un même anathème : sans doute l'admiratrice du vieil ami Corneille voyait-elle d'un mauvais œil le succès grandissant de son jeune rival ; cependant qu'elle ne ménagera pas, plus tard, son enthousiasme devant Phèdre ou Athalie.
Si la critique souffre, selon Cabanis, du complexe de Pontmartin, c'est qu'elle a peur, aux yeux de la postérité, de ne pas reconnaître de son vivant un nouveau Baudelaire. Aussi, par prudence, encense-t-elle tout ce qui est suffisamment neuf pour sembler novateur.
Quant au café, elle n'y voyait tout d'abord qu'une de ces turqueries alors à la mode et destinée à s'évanouir avec les mamamouchis. C'est Soliman-Aga, ambassadeur de la Porte dorée et coqueluche des salons parisiens en 1669, qui en fit la boisson de ces dames.
Quant au café, elle n'y voyait tout d'abord qu'une de ces turqueries alors à la mode et destinée à s'évanouir avec les mamamouchis. C'est Soliman-Aga, ambassadeur de la Porte dorée et coqueluche des salons parisiens en 1669, qui en fit la boisson de ces dames.
L'histoire de Mme de Sévigné fut donc forgée après coup par ces historiens du XVIIIe siècle qui écrivaient comme on joue au téléphone arabe, en déformant chaque fois un peu plus ce qu'a dit le voisin.
Aujourd'hui, on emploie l'expression, ironiquement ou non, pour désigner les modes éphémères ou que l'on croit telles, les écrivains que l'on promet à l'oubli ou dont on regrette l'insuccès actuel.
On ne l'emploie plus comme au temps de Larousse pour stigmatiser le critique téméraire qui condamne une œuvre destinée à traverser les siècles. Dans ce cas, on se réfère davantage, depuis Cabanis (Plaisir et Lectures, t. II), au complexe de Pontmartin : faisant de la morale la pierre de touche de la critique littéraire, Pontmartin est désormais célèbre pour avoir traîné dans la boue qui lui servait d'encre Flaubert, Stendhal ou Baudelaire, hontes de la littérature française qui s'enorgueillissait des Victor de Laprade, Octave Feuillet et Georges Ohnet...
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