La foire à l'empoigne

La saison des soldes 
Au XVIIIe siècle, être à la foire d'empoigne avait un sens égrillard : avoir la main baladeuse. 
Au XIXe siècle, acheter à la foire d'empoigne, c'était voler à l'étalage. 
De ces deux locutions naîtra au XXe siècle la foire d'empoigne, un lieu où les gens se disputent des objets non pour les voler mais pour les acheter. Les soldes dans les grands magasins en sont un très bon exemple !


La trêve des confiseurs

C'est le coup de feu pour eux 
Aux temps féodaux, l'Église imposait aux princes la trêve de Dieu, leur interdisant de combattre pendant l'Avent, le Carême et Pâques. Il existait aussi une trêve marchande pour que le commerce entre belligérants puisse quand même être assuré. Économie oblige ! 
La trêve des confiseurs est plus récente. Elle a lieu entre Noël et le Nouvel An quand l'usage veut que toutes les activités politiques et diplomatiques s'arrêtent. Il faut bien que de temps en temps les députés puissent retourner dans leur circonscription pour échanger des confiseries à la place des discours.


Langue de bois

Parlée derrière le rideau de fer 
Le pesant langage administratif de la bureaucratie tsariste avait déjà été affublé du nom de langage de chêne. Le terme sera repris par les Polonais dans les années 70 pour qualifier le langage du parti communiste au pouvoir.
Quelques échantillons de cette langue de bois : derrière le terme difficultés temporaires, il fallait lire manque chronique de marchandises dans les magasins ; une grève dans une usine était qualifiée d'absence d'une partie des travailleurs ; et les plus hautes mesures de protection sociale étaient un euphémisme pour parler des fusillades au temps de Staline !


Le cadet de mes soucis

La moindre de mes inquiétudes 
« Le sort de la mignonne était le cadet de vos soucis », Abbé Prévost. 
L'expression se comprend d'elle-même, si l'on veut bien songer qu'autrefois le terme de cadet était souvent pris au sens péjoratif, soit pour désigner le second de la famille par rapport à l'aîné, soit pour désigner, avec un ton de supériorité condescendante, un homme de peu : 
« À la douane, un vieux cadet de commis a fait semblant de visiter ma calèche », écrivait Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe

Le coup de l'étrier

Le dernier petit verre 
Le coup de l'étrier, c'est le dernier petit verre avant le départ, supposé aider le cavalier à surmonter la fatigue du voyage. Pour être sûr d'en bénéficier, certains faisaient se même confectionner des étriers creux qui renfermaient une réserve d'alcool. Il en existe un au musée de Pau.


Le denier de Dieu

Une pièce pour le concierge 
Pour se mettre bien avec ses futurs concierges, il est d'usage que le nouveau locataire leur donne la pièce : encore de nos jours, cette coutume s'appelle donner le denier de Dieu.
L'ancienneté de la coutume explique le terme de denier, le douzième d'un sou. Mais pourquoi à Dieu puisque la pièce va dans la poche du concierge ? 
Pour sceller une vente à terme ou un bail au Moyen Âge, il fallait verser à titres d'arrhes une pièce d'argent appelée denier à Dieu par analogie avec la pièce de monnaie qu'on avait toujours sur soi pour donner à un pauvre ou à la quête. La coutume voulait également qu'à leur entrée dans les lieux, les nouveaux locataires remettent leur denier à Dieu... au concierge.


Le droit de cuissage

Vieille taxe à l'export 
Le droit féodal n'avait rien d'égrillard, l'Église y aurait mis le holà. En aucune façon le droit de cuissage n'autorisait le seigneur à dépuceler les jeunes filles de son fief. Ce sont les romantiques qui ont fantasmé sur le Moyen Âge, qui sont à l'origine de cette légende ! 
Le droit de cuissage était en fait le droit de quitage (se prononce cuitage) que le serf devait payer au seigneur pour ses filles qui se mariaient avec un étranger au domaine seigneurial. Son montant était de trois sous.
Cette exportation de main-d'œuvre privait le seigneur des bras des enfants à venir, futurs soldats ou laboureurs. Tout était prétexte à rançonner le vilain. Même le curé s'en mêlait : les nouveaux époux devaient s'abstenir trois jours durant après le mariage, en souvenir de Tobie et de Sara, un nouveau péché inventé pour pouvoir vendre l'absolution si le désir avait été néanmoins le plus fort !


Le fin mot de l'histoire

L'explication cachée, la réalité derrière les apparences
L'expression s'entend souvent avec connaître, savoir...


Le pli est pris

Le pli est celui de l'habit qui à la longue s'adapte au corps de celui qui le porte. il en est ainsi d'une habitude dont il est difficile de se démettre.


Le sabre et le goupillon

L'alliance de ces deux mots formait une locution courante au XIXème siècle, pour désigner les forces politiques conjointes du nationalisme et du cléricalisme.
Elle fait image et elle est d'époque, puisqu'on appelait alors, sans gentillesse, les officiers et les sous-officiers les traîneurs de sabre, et que le goupillon est l'aspersoir qui à l'église sert à prendre l'eau bénite et à la répandre sur les objets que le prêtre bénit.
Le sabre était le symbole du pouvoir militaire et le goupillon celui du clergé. Il sied, en passant, de noter que le mot goupillon est, comme 30 % des mots de notre langue, un exemple de déformation par attraction.
On disait au XIIe siècle, guipellon, au XIIIe siècle guipillon, et Ménage encore au XVIIe siècle, emploie le terme guépillon ; le mot venait de guiper (germanique weipan, festonner) qui signifiait broder d'ornements une étoffe et en particulier, la recouvrir ou de soie ou de laine.
La ressemblance du guipillon avec une queue de goupil (autrement dit de renard), et peut-être même l'emploi dans les églises de village d'une queue de renard pour l'aspersion d'eau bénite ont fait naître au XVe ou au XVIe siècle le terme de goupillon.


Le torchon brûle

Comme une vraie torche
Un torchon (du verbe latin torquere, tordre, torturer) était jadis une petite torche, un bouchon de paille tordue qu'on enflammait pour s'éclairer un court instant. Il était normal qu'il brulât, donc. 
Mais le mot torchon avait également le sens de violence comme l'atteste cette autre expression recevoir une torchée. L'expression sous sa première forme, le torchon brûle à la maison joue sur les trois sens du mot pour signifier une querelle domestique.


Les économies dans le bas de laine

Les paysans ont toujours eu la réputation d'être grippe-sou. Ils ne faisaient confiance ni au banquier ni au notaire. On racontait qu'ils serraient leurs pièces d'or dans un bas de laine, opposé ici au bas de soie de l'aristocrate dépensier.
Soupçonnés de marché noir pendant la dernière guerre, la rumeur publique les accusera de cacher leurs billets de banque non plus dans un bas de laine mais dans une lessiveuse, gigantesque tirelire à la dimension de leur fortune présumée...


Les grands esprits se rencontrent !

Pour marquer ironiquement que deux personnes ont la même idée en même temps ou font la même chose. 
Déjà, Voltaire écrivait à l'un de ses correspondants en 1760 : « Les beaux esprits se rencontrent » (lettre du 30 juin 1760 à N.-C. Thiérot, dans Correspondance).


Les jours ouvrables

Dans les anciennes coutumes, les loisirs, et par conséquent le travail, se réglaient sur l'observance des fêtes religieuses. Outre les dimanches, consacrés au Seigneur, donc aux offices, donc intouchables pour la productivité, il existait au fil de l'année un nombre assez coquet de fêtes de saints de haut renom qui étaient elles aussi obligatoirement chômées.
Chaque paroisse avait un saint patron et il aurait été offensant de ne pas l'honorer dignement par le repos et la fête. Seuls les plus célèbres de ces chômages nous sont restés : le 15 août, fête de la Vierge, le jeudi de l'Ascension, les lundis de Pâques et de Pentecôte, ainsi bien sûr que la Nativité du 25 décembre : Noël.
Heureusement, certaines fêtes laïques et nationales sont venues renforcer le lot, suppléant aux Saint-Michel et aux Saint-Martin défaillants... Donc, dans la pratique on peut dire que les jours ouvrables sont aujourd'hui ceux où les bureaux et les banques sont ouverts, où l'Administration en général reçoit ses administrés.

Le mot ouvrable s'en trouve rapproché naturellement du verbe ouvrir, comme sur les pancartes des issues secondaires du métro parisien : « ouvert de 5h30 à 20 heures les jours ouvrables ».
Pourtant ce n'est pas du tout son sens véritable. Ouvrable est un dérivé de l'ancien verbe ouvrer, qui signifie travailler.
Le mot a donné ouvrage, ouvroir, dans le sens d'atelier, œuvre, et bien entendu ouvrier. Ouvrer a donc été un mot usuel jusqu'au XVIe siècle où il a été remplacé par travailler.
Vers la fin du XVIIe siècle, ouvrable était lui aussi tombé en désuétude, et avait déjà son sens réduit actuel : « Ne se dit qu'en cette phrase, jour ouvrable et signifie les jours ordinaires de la semaine où il n'est pas de fête, où il est permis de travailler, d'ouvrir boutiques. On dit aussi jours ouvriers », Furetière


Les noces d'or

Avec Jésus 
On ne sait pas exactement à quand remonte la coutume de célébrer les noces d'or, mais l'expression a été consacrée à l'occasion des noces d'argent du roi et de la reine du Danemark en 1867. 
Autrefois, prêtres et religieuses célébraient les anniversaires de leurs noces mystiques avec le Christ, c'est-à-dire de leur entrée dans les ordres, en portant au doigt l'anneau d'argent après vingt-cinq ans, en or après cinquante ans.


Les tenants et les aboutissants

Pour cadastrer les terres alentour 
Connaître les tenants et les aboutissants, c'était autrefois délimiter une propriété, au sens propre connaître les terres auxquelles elle tenait et aboutissait.


Lire à livre ouvert

Le contraire serait difficile 
Il faut nécessairement ouvrir un livre pour le lire. L'expression signifie ici qu'il n'est d'autre effort pour comprendre que d'ouvrir le livre.


Ma bonne dame !

En incise ou à la fin d'un énoncé qui s'adresse ou non à une femme. Employé pour évoquer avec ironie le conformisme de Mme Tout-le-Monde.


Marquer d'une pierre blanche

L'expression date du XVIe siècle, époque où plumes et papier étaient encore du luxe ; aussi les calendriers, marquant le retour cyclique des saisons, étaient-ils simplement sculptés dans la pierre !
Ainsi s'explique le choix de marquer tout événement d'importance d'une petite pierre blanche. Une simple croix tracée sur le calendrier avec une plume ? Impensable.
Graver une croix dans la pierre ? Pas mieux, à moins que l'événement soit amené à se reproduire les années suivantes.


Matière grise

Cerveau 
Puis, intelligence.


Mauvais pli

Le pli est celui de l'habit qui à la longue s'adapte au corps de celui qui le porte. Il en est ainsi d'une habitude dont il est difficile de se démettre.


Mener quelqu'un en bateau

Tour de bateleur, pas de batelier 
Le bateau en question ne se trouvait pas sur l'eau mais dans les foires. Dans son sens de duperie, bateau dérive du mot ancien baastel, numéro de bateleur, ce saltimbanque qui s'exhibait sur les foires du Moyen Âge en faisant des tours de passe-passe.
L'expression cousine monter un bateau entretient la confusion entre ces deux termes. Elle va plus loin : c'est monter un coup, échafauder toute une histoire pour pigeonner sa victime. il y a donc préméditation.


Mener une vie de bâton de chaise

Chaise à porteurs 
Passer sa vie à relier les pieds d'une chaise doit sembler bien morne. Pourquoi alors qualifier ainsi une vie agitée et dissolue ? 
C'est qu'il ne s'agit pas d'un barreau de chaise, mais des deux bâtons amovibles de la chaise à porteurs qu'empruntaient les élégants et les élégantes lorsqu'ils voulaient éviter de se crotter dans les rues boueuses du Paris de Louis XIV. 
Pour permettre un accès aisé et dégager la porte de la chaise, les porteurs devaient ôter et remettre sans cesse les bâtons. Quand la chaise restait à la porte, les bâtons étaient rentrés dans la maison. Ils n'en ressortaient qu'à une heure avancée de la nuit, témoins de beuveries ou d'aventures galantes qu'ils n'auraient certes pas dû voir. 
Quelle drôle de vie, pour un bâton de chaise !


Mener une vie de patachon

Pire qu'une vie de bâton de chaise 
D'abord bateaux légers puis mauvaises diligences à deux roues, mal suspendues, tout juste bâchées, les pataches permettaient de voyager à peu de frais. Elles étaient conduites par des patachons, des hommes à qui on prêtait une vie dissolue à les entendre raconter à l'envi leurs beuveries et les aventures galantes qu'ils avaient eues dans chacun des relais de poste du royaume. On les imaginait toujours par monts et par vaux, menant une vie de bâton de chaise.


Mener une vraie sarabande

Les musicologues savent bien que la sarabande, danse de cour noble et compassée, était une musique lente à trois temps, proche du menuet. Bach, couperin, Rameau en ont composé de célèbres.
Tout le contraire de la vraie sarabande qui était une danse lascive, désordonnée, bruyante et agitée, héritée des Espagnols qui la tenaient eux-mêmes des Arabes (du persan sarband, turban).
Mener une vraie sarabande montre bien que la locution se réfère à son acception initiale.


Mettre à l'encan

Vendre au feu des enchères 
Le mot encan ne vit que dans cette locution et vient du latin in quantum (pour combien) qui était demandé par les huissiers-priseurs pour les objets éparpillés au feu des enchères au cours d'une vente publique à la chandelle.


Mettre à l'index

Montrer du doigt 
Indiquer dérive du mot latin index ; d'où le nom du deuxième doigt de la main qui sert à montrer. 
Le catalogue appelé Index librorum prohibitorium, créé en 1557 en pleine guerre de religion puis supprimé en 1966, recensait tous les ouvrages dont la lecture était interdite par le Saint-Siège, pour des raisons de doctrine ou de morale. Y ont figuré notamment les livres de Pascal, de Diderot, de Gide et de Sartre. Et même le Grand Larousse du XIXe siècle ! 
La religion catholique ne met plus aujourd'hui de livres à l'index mais l'expression s'emploie encore au sujet d'un personnage que l'on cherche à exclure.


Mettre la charrue avant les bœufs

La charrue est déjà terriblement chargée de symboles (la paix, le travail, et même le phallus qui fertilise la terre femelle), outil à la fois virgilien et biblique, au point qu'elle a toujours eu sans peine droit de cité dans le langage.
« Ils forgeront leurs épées en socs de charrue, et leurs lances en faucilles », dit Isaïe, pronostiquant un monde meilleur. 
La charrue harmonieusement tirée par les bœufs est depuis toujours l'image même de la logique, de la cause à son effet ; inverser les éléments engendre l'absurde.
Car la forme originale de la locution est mettre la charrue devant les bœufs. Et c'est ainsi que l'emploie Rabelais en transformant la charrue en charrette, dans l'enfance de Gargantua, lequel, entre autres incohérences, « mettoyt la charrette devant les bœufz. »
C'est à cause de l'ambiguïté de devant, qui pendant longtemps a voulu dire soit avant, comme dans ci-devant, soit en face, que l'on a fini par interpréter avant les bœufs, et donner à l'expression le sens de faire les choses dans le mauvais ordre, généralement pour vouloir trop se presser.
L'idée d'incohérence semble plus forte dans cette phrase d'un Arrêt d'Amour du XVe siècle : « tournant à chaque propos la charrue contre les bœufs. »


Mettre le holà

Pour arrêter la carriole 
Quand les chevaux tirent à hue et à dia (en sens opposé), ou n'entendent ni à hue ni à dia (n'entendent pas raison), il vaut mieux tout de suite mettre le holà
Ces trois onomatopées qui servent à conduire les chevaux attelés sont entrées dans le langage courant grâce à ces trois expressions : hue ! est pour le faire avancer ou aller à droite ; dia ! pour le faire tourner à gauche, et holà ! pour le faire stopper.


Mettre le pied à l'étrier

Pour mieux monter en selle 
L'étrier est en quelque sorte une marche pour grimper sur le dos du cheval, mais cette marche est tout de même haut placée. Mieux valait donc se faire aider pour prendre place sur la selle. C'est le sens de l'expression.


Mettre ou prendre des gants

Mettre ou prendre des gants ne signifie rien d'autre qu'agir avec ménagement, mettre les formes, éviter de heurter ou de blesser quelqu'un (1792). Gant a ici le sens métaphorique de précaution.
Cette expression est très voisine de avec les/des gants, en prenant des précautions ; de manière délicate.


Mettre sa main au feu

À la première controverse, les gens sont prêts à mettre leur main au feu pour appuyer leurs dires. C'est un travers de l'espèce humaine : on veut toujours avoir raison ; nous voyons peu qu'un individu aille disputer contre un autre pour le seul plaisir d'avoir tort !!! Cette expression fait allusion à une pratique du Moyen Âge : le jugement de Dieu.
L'idée en est simple : afin de couper court aux enquêtes toujours ennuyeuses et délicates sur la culpabilité ou l'innocence des gens, on considérait que Dieu devait savoir, et s'Il le voulait bien, agir en conséquence. On s'en remettait donc à Sa grande vigilance, et on réglait les différends en imposant des épreuves au cours desquelles, immanqua-blement, Il reconnaîtrait les siens.
Ces épreuves existaient sous plusieurs formes. D'abord pour les princes, surtout, l'épreuve du feu, qui consistait à tenir sa main dans une flamme sans se brûler, ou à saisir sans dommage une barre de fer rougie, ou toute autre variante. Si l'épreuve était réussie et l'épiderme intact, on déclarait que la noble personne était dans son droit et lavée de tout soupçon. Furetière résume ainsi la situation : 
« On dit qu'un homme mettrait sa main au feu, son doigt au feu, quand il propose quelque chose dont il est très assuré. Ce proverbe se dit par allusion à une coutume qu'on avait autrefois de se purger d'une accusation par l'attouchement du fer chaud. Cunégonde, femme de l'Empereur Henri de Bavière, se purgea du soupçon que son mari avait contre elle, en marchant les pieds nus sur 12 socs de charrüe ardens. »
Dans le Roman de Renart, Dame Hersant, la femme d'Ysengrin le loup, contrairement à Cunégonde, refuse poliment cet examen. Elle nie l'adultère dont elle est accusée :
« Certes, onques n'ot en moi part en tel manière n'en tel guise; J'en feroie bien un Jouïse [jugement de Dieu] en eve chaude ou en feu chaut mais esconduire riens ne vaut, lasse, chaistive, mal ostrue ! [infortunée, née sous un mauvais astre] que je n'en serai ja crüe ».
Eau froide : on jetait le suspect pieds et poings liés dans une rivière ou dans un bassin ; s'il allait au fond, il était innocent, s'il flottait, il était coupable ! 
L'épreuve de la croix était nettement moins risquée : elle consistait en un duel aimable où les deux protagonistes se tenaient debout, immobiles, les bras étendus en croix comme des gymnastes, prenant leurs distances.
Celui qui, pris de crampes, abandonnait le premier la position avait tort. L'autre, naturellement, grimaçait, mais il avait raison ! De cet exercice décourageant vient sans doute l'expression baisser les bras.


Mettre sous globe

Mettre à l'abri, en sûreté, ranger soigneusement 
L'image du globe ovoïde, avec ses parois de verre, évoque un espace clos, protégé. La locution-phrase c'est à mettre sous globe ! comporte une nuance ironique : la mise sous globe d'objets symboliques (telle la couronne de fleurs d'orangers évoquant la virginité de la mariée) relève de la sémiologie bourgeoise du XIXe siècle.


Mettre sur la sellette

Avant que la selle soit réservée au cheval et au vélo, le mot désignait toutes sortes de sièges, depuis un petit siège de bois à trois ou quatre pieds sans dossier, autrement dit un tabouret −  d'où la délicieuse expression, familière à Mme de Sévigné et à La Fontaine : être le cul entre deux selles − jusqu'à la chaise percée, ou selle nécessaire, commune depuis le Moyen Âge, ancêtre châtelain et confortable de nos vécés, comme en témoigne cette facture du XIVe siècle : « À maistre Girart d'Orléans, peintre du roy, pour six selles nécessaires, feutrées et couvertes de cuir. »
Ce siège-là nous a donné aller à la selle, gentiment conservée par les médecins à travers les siècles...
D'où bien sûr, les selles elles-mêmes, autrement dit les fèces, qui n'ont pas toujours eu la connotation médicale actuelle, témoin ce gros cochon de Saint-Simon : « Je suis monté dans la chambre où vous avez couché, et j'y ai poussé une grosse selle tout au milieu sur le plancher », fait-il dire à un grand seigneur.
La sellette est donc naturellement une petite selle, mais dans son sens premier de tabouret ! Il s'agit en effet du siège bas d'un tribunal sur lequel on faisait asseoir l'accusé, généralement enchaîné, dans une position d'infériorité pour être livré à la curiosité de ses juges.
« On le dit particulièrement d'un petit siège de bois sur lequel on faisait asseoir les criminels en prêtant leur dernier interrogatoire devant les Juges : ce qui ne se fait que quand il y a contre eux des conclusions des Procureurs du Roi à peine afflictive; car hors de cela, ils répondent derrière le Barreau. L'interrogatoire sur la sellette est la pièce la plus essentielle de l'instruction d'un procès criminel », écrivait Furetière.
«On dit aussi figurément de celui à qui on a fait plusieurs questions en quelque compagnie qui l'ont fatigué, qu'on l'a tenu long temps sur la sellette. » L'usage qui durait depuis le XIIIe siècle fut aboli par la révolution de 1789, au profit du box et de la célèbre formule tout à fait inverse : Accusé, levez-vous !