Se réduire comme une peau de chagrin

Fait référence au roman de Balzac, La Peau de chagrin (1831)
Mais qu'est-ce qu'une peau de chagrin... puisque le chagrin n'est pas un animal ?
Le chagrin (du turc çâgri, croupe) est déjà une peau, celle d'un âne ou d'un mulet — de l'onagre, quand on préfère rester poétique. De cette peau prise sur la croupe de l'animal, on préparait un cuir grenu de médiocre qualité, utilisé en reliure. Avoir une peau de chagrin, au XVIIIe siècle signifiait donc avoir la peau très rude.
Cette peau dont le nom évoque si bien les misères de l'existence inspira à Balzac la première de ses Études philosophiques.
Raphaël de Valentin, son héros, ruiné et désespéré, attend la nuit pour se jeter dans la Seine lorsqu'il trouve, chez un antiquaire, cette peau de chagrin qui a le don de satisfaire ses moindres désirs. En revanche, elle rétrécit proportionnellement à l'importance du vœu accompli ; quand elle disparaîtra, son possesseur sera mort.
Le pacte serait honnête si les désirs irréalisables étaient seuls concernés. Mais Valentin voit sa peau se racornir à chaque souhait, à chaque désir. Une formule de politesse destinée à éconduire un ancien professeur importun lui rogne un morceau de vie ; il mourra dans les bras de sa fiancée, qui ne demande pourtant pas mieux que de répondre à son désir.
On a pu lire beaucoup de choses entre les lignes du célèbre roman balzacien. On y voit généralement le pouvoir dévastateur de la passion, qui consume la vie, mais ne même temps la nécessité de ce désir qui est la vie. La seule ressource de Valentin sera de s'enfermer et de refuser toute visite qui réveillerait en lui un désir : il ne comprend pas que c'est à la vie qu'il ferme sa porte. Le coupable ultime, d'ailleurs, semble moins l'homme, chez qui le désir est naturel, que la société qui exploite ce désir sans se soucier de son aspect destructeur.
L'allusion a surtout retenu l'inexorabilité du rétrécissement.





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