Le cri scandalisa la France en 1946, la terre des tombes et des charniers n'avait pas encore eu le temps de se
tasser.
Sous ce titre, Boris Vian publiait son premier roman qu'il
présentait comme la traduction d'un livre américain inédit
en anglais parce que plus scandaleux encore Outre-
Atlantique. L'auteur fictif, Vernon Sullivan, était censé
être un métis suffisamment blanchi par les apports de sang
blanc pour passer inaperçu dans la société raciste; la
vengeance qu'il tirait du lynchage de son frère était un
crachat sur la tombe de l'Amérique. Boris Vian devait
traîner toute sa vie le scandale de son premier livre, puisque
c'est à la projection privée du film qui en fut tirée en 1959,
qu'il fut terrassé par une crise cardiaque.
C'est moins la révolte que le dénigrement qu'ils traduisent,
le refus de toute sacralisation, le mépris du tabou par
l'affront suprême.
Entre-temps, le cri de haine et de révolte se répandait dans toute la France, avec ses épisodes comiques (l'affiche de la pièce de théâtre fut interdite dans le métro parce que le mot tombe risquait de choquer les familles endeuillées !) et ses moments déplaisants (l'interminable procès au terme duquel Vian est amnistié... en même temps que les criminels de guerre...).
C'est donc avant tout un geste de révolte que traduit cette provocation ; une révolte contre la civilisation à travers ce qu'elle a de plus sacré : sa mort. Mais l'image du crachat (qui succède à celle de la danse, dans une première version, sur une suggestion, dit-on, de Michelle Vian) rejoint une thématique plus ancienne : celle des crachats sérieux sur les axiomes sacrés de Lautréamont (Poésies, I), du jet de bave que le crapaud lance au front du Créateur (Maldoror, III).
Il est facile de s'indigner des manifestations anarchiques du blasphème dont on a, sous prétexte de civilisation, combattu les ritualisations. Il faut reconnaître que les gens qui se prennent pour des statues sont bien plus dangereux pour la démocratie que ceux qui les déboulonnent.
Demandons-nous enfin si la profanation n'est pas un acte salubre et nécessaire devant la puissance dangereuse que confère le prestige. Bien des sociétés l'ont ritualisée dans les cérémonies d'investiture.
Avoir débarrassé les ors de leur boue a conduit à la venir cracher anarchiquement sur ceux qui tentaient de l'oublier...
Entre-temps, le cri de haine et de révolte se répandait dans toute la France, avec ses épisodes comiques (l'affiche de la pièce de théâtre fut interdite dans le métro parce que le mot tombe risquait de choquer les familles endeuillées !) et ses moments déplaisants (l'interminable procès au terme duquel Vian est amnistié... en même temps que les criminels de guerre...).
C'est donc avant tout un geste de révolte que traduit cette provocation ; une révolte contre la civilisation à travers ce qu'elle a de plus sacré : sa mort. Mais l'image du crachat (qui succède à celle de la danse, dans une première version, sur une suggestion, dit-on, de Michelle Vian) rejoint une thématique plus ancienne : celle des crachats sérieux sur les axiomes sacrés de Lautréamont (Poésies, I), du jet de bave que le crapaud lance au front du Créateur (Maldoror, III).
Il est facile de s'indigner des manifestations anarchiques du blasphème dont on a, sous prétexte de civilisation, combattu les ritualisations. Il faut reconnaître que les gens qui se prennent pour des statues sont bien plus dangereux pour la démocratie que ceux qui les déboulonnent.
Demandons-nous enfin si la profanation n'est pas un acte salubre et nécessaire devant la puissance dangereuse que confère le prestige. Bien des sociétés l'ont ritualisée dans les cérémonies d'investiture.
Avoir débarrassé les ors de leur boue a conduit à la venir cracher anarchiquement sur ceux qui tentaient de l'oublier...
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