Par dame Fortune
Il arrive qu'un enfant vienne au monde avec une coiffe sur la tête, un fragment de la poche des eaux.
Heureux présage déjà chez les Romains : le nouveau-né aura beaucoup de chance dans la vie. Être né coiffé ne se limite pas, en principe, à l'heur d'une riche naissance − ce que les Anglais appellent d'une façon plus explicite venir au monde avec une cuillère en argent dans la bouche. D'abord, l'expression a un fondement exact en obstétrique : certains bébés portent à la naissance, enveloppant leur crâne, une coiffe (c'est le terme), constituée par une partie de la membrane fœtale, autrement dit par la poche des eaux.
« On les appelle des enfants coiffés.
Si mon père m'eust fait coëffé
Et qu'il eust moins philosophé,
Il eust amassé davantage »
dit Scarron, impotent et en mal d'argent.
Depuis l'Antiquité et un peu partout dans le monde, les peuples ont vu dans ce détail de l'accouchement un signe de chance infaillible pour le nouveau-né, un principe de réussite et de bonheur dans la vie.
On dit qu'un homme est né coiffé pour dire qu'il est heureux, l'opinion du vulgaire ayant attribué cette vertu à cette « coeffe que quelques enfans apportent au monde ».
Cette superstition est très ancienne. Lampridius en parle dans la vie d'Antonin : « Cet empereur étoit né coiffé avec une espece de bandeau sur le front, en forme de diadème : c'est pour cela qu'il se fit appeler Diadumene. »
Comme il jouit d'une constante prospérité pendant tout le cours de son règne, son bonheur confirma l'opinion de ceux qui s'imaginent que les gens « nez coiffez sont heureux. Depuis on s'en servit pour des sortilèges, & pour des maléfices [...]. »
Lampridius témoigne que les sages femmes « vendoient bien cher cette coeffe à des Avocatz, qui étoient persuadez qu'en la portant sur eux ils auroient une force de persuader, à laquelle les Juges ne pourraient resister. »
« Les Canons deffendent de s'en servir parceque les sorciers en usoient dans leurs maléfices », Furetière.