Manger son blé en herbe


Rabelais, Tiers Livre, ch. II (1546)

« Je vous vois, Monsieur, ne vous en déplaise, dans le grand chemin que tenait Panurge, prenant l'argent d'avance, achetant cher, vendant bon marché, et mangeant son blé en herbe. » : Cette réprimande de La Flèche au fils de l'Avare (II, 1) montre qu'au temps de Molière une expression proverbiale attestée au XVIe siècle bien avant le Tiers Livre était déjà devenue allusion littéraire.
Les recueils de proverbes médiévaux étaient riches en formules imagées, très concrètes, qui passèrent au laminoir classique et ne furent souvent épargnées qu'au titre d'allusions littéraires. Le chapitre où maître François explique « comment Panurge feut faict chastellain de Salmigondin en dopsodie, et mangeoit son bled en herbe » donnait un sens nouveau aux mots de l'expression. 
Dilapider les revenus de la châtellenie en ripailles et banquets relève certes de l'imprévoyance du paysan coupant son blé avant maturité. Mais, à Pantagruel qui lui fait la leçon, Panurge réplique que c'est agir en ermite que vivre de salades et de racines : et la Tempérance est au nombre des vertus cardinales. Bien mieux, le médecin en Rabelais ne manque pas de donner un cours de diététique que ne désavoueront pas les modernes secateurs du germe de blé : « Du bled en herbes vous faictez belle saulce verde de légière concoction, de facile digestion... » et de bien d'autres vertus...

En 1923, Colette, elle aussi, subvertit le proverbe en montrant comment une femme mûrissante pouvait manger en herbe un adolescent.


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