À l'origine, la taille et la corvée étaient des impôts, le premier levé par le roi et le second par le seigneur. Ces impôts n'étaient perçus que sur les roturiers ; seuls les nobles et les ecclésiastiques en étaient exempts, le peuple était, lui, taillable et corvéable à merci.
La taille devait tout d'abord être un impôt temporaire que les souverains levaient pour tenir lieu de service militaire et pour subvenir à l'entretien de la troupe. Elle s'appliquait à une certaine quantité de denrées que l'on coupait ou taillait en deux parts, l'une pour le souverain, l'autre pour le contribuable.
Au XIe siècle, la taille fut étendue pour participer aux frais de mariage de la fille du roi, puis pour payer les rançons et ensuite pour aider aux Croisades. De temporaire, la taille devint annuelle et les ecclésiastiques, pour imiter leur roi, décidèrent eux aussi de la percevoir sur le dos du peuple quand le pape réclamait une aide financière.
Tous les seigneurs, des plus puissants aux plus humbles, taillèrent leurs sujets à merci mais quand un gentilhomme était dégradé, lui aussi devenait taillable. Le roi avait la possibilité de modérer les excès de ses seigneurs si ceux-ci abusaient de leur pouvoir.
Sous Louis XI, cet impôt s'élevait à 31 millions de livres, sous François Ier, il passa à 9 millions et sous Henri III, culmina à 32 millions pour descendre à 23 millions à la Révolution avant d'être définitivement supprimé... mais remplacé !
La corvée, elle aussi, était un impôt féodal payé en nature. Les serfs et gens de main morte étaient taillables et corvéables à merci, c'est-à-dire qu'ils devaient travailler un jour par semaine pour le seigneur, soit 52 jours par an. Et comme le clergé leur interdisait de travailler le dimanche et durant près de 50 jours de fêtes religieuses, les corveieurs n'avaient plus qu'environ 200 jours pour nourrir leur famille.
Aux corvées seigneuriales venaient s'ajouter les corvées royales pour l'entretien des routes et des chemins. L'impôt devenant de plus en plus lourd, les gouvernements successifs des rois Louis XII, Charles IX et Henri III, qui souhaitaient mettre un terme à la féodalité, parvinrent à en limiter les excès. Il fut ordonné qu'il ne pourrait y avoir plus de 12 corvées par an, pas plus de 3 corvées par mois et qu'elles devraient être espacées dans le temps.
Le peuple, néanmoins écrasé par cet impôt, méprisé et traité comme du bétail, exploité sans retenue, se souleva sous Louis XIV.
Quand, en 1673, on établit le papier timbré à un sou la feuille, puis le monopole du tabac à 20 sous la livre, la révolte fut terrible et sanglante en Bretagne où les paysans brûlèrent de nombreux châteaux après avoir molesté leurs occupants. En juin 1675, le Code paysan exigea l'abolition en Armorique du droit de champart (perception sur lhéritage) et de corvée. En 1776, Turgot fit supprimer la corvée, cet impôt inique dont l'abolition est ô combien symbolique d'une première faille dans les prérogatives et privilèges des nobles et ecclésiastiques ! La Convention nationale décida en 1793 que personne à cette date ne serait plus, en France, taillable et corvéable à merci, du moins au sens propre de la locution !