Avoir le trac

Il ne semble pas que les comédiens aient le trac depuis très longtemps ; du moins s'ils avaient cette peur ou angoisse irraisonnée que l'on ressent avant d'affronter le public, ils n'avaient pas le mot. 
Le trac daterait de la première moitié du XIXe siècle, mais Littré l'ignore, ce qui indique qu'il n'était pas d'un usage courant avant la fin du siècle. Cependant, il n'a pas l'air d'être de formation argotique car il est passé tout de suite dans la langue familière de la bonne société.
Les Goncourt notent dans leur Journal à la date du 3 mars 1885 : « Au fond, cet article du Gaulois me donne le trac. Car si ce soir, il y a quelques sifflets, avec tout ce qu'il y aura dans la salle de mauvaises dispositions latentes, chez la plupart de mes confrères, c'est une partie compromise, un four quoi, encore », (Robert).
La formation du mot tient peut-être au claquement des dents de celui qui a très peur — et donc aussi un très gros tracas ! Furetière signalait déjà le trac sous forme de bruit : « Terme factice & populaire, qui exprime le bruit d'une chose qui se remue avec violence, & qui a donné le nom au jeu de Triquetrac. »
En tout cas, son premier emploi paraît venir non du théâtre, mais du collège. G. Gougenheim cite un petit vocabulaire collégien de 1845 où le trac apparaît avec définition et exemple : « Trac, taf (avoir le). Avoir peur, caponner : Adrien a le trac quand Laveau veut le bûcher (le battre). »
Ce même ouvrage (Les Mystères des collèges d'Albanès, aux éditions G. Harvard, 1845) donne pour exemples dans la même liste : bahut, cafarder, voyou, etc., pour appartenir à un jargon encore relativement secret, ainsi d'ailleurs que copain, pion, et truc, lesquels sont des mots de très ancien français et dont les deux premiers au moins ont effectivement repris essor chez les collégiens du XIXe siècle. 
Cela dit, ces mots de 1845 avaient peut-être un demi- siècle d'existence ou davantage entre les pupitres. Et s'ils étaient familiers, ils n'étaient pas vulgaires ! Ce monde de petits-bourgeois fortunés qui peuplaient les collèges ne se seraient pas permis !
Ce qui tendrait à expliquer que le trac ait pu réapparaître quelques dizaines d'années plus tard sous la plume des écrivains et des échotiers, par allusion familière aux bancs des écoles où ils l'avaient appris.


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