Cette expression, pour le moins inusuelle, est aujourd'hui encore quelquefois employée quand on veut dire que pour une faute infime, insignifiante, on a perdu un bien précieux.
Il faut remonter au Moyen Âge pour en trouver le sens, car il s'agit d'une simple erreur de ponctuation : pour un point, un abbé perdit non son âne, mais son abbaye...
Et voici le fin mot de l'affaire :
Un abbé, nommé Martin, possédait en Italie l'abbaye d'Asello. Il fit inscrire au-dessus de la porte d'entrée ce vers latin : « Porta, pastens esto. Nulli claudaris honesto ». (Porte, reste ouverte. Ne sois fermée pour aucun homme honnête.) C'était au temps où la ponctuation venait d'être remise en usage, et le copiste qui grava l'inscription au-dessus de la porte ne connaissait le latin que très imparfaitement...
Par mégarde, il grava le point après le mot nulli, de telle sorte que le vers, changeant complètement de sens voulait dire désormais : « Porte, ne sois ouverte à personne. Ferme-toi pour l'honnête homme ».
Cette inscription fit assez de scandale dans le monde ecclésiastique pour que le pape en fut informé. La jugeant peu en rapport avec la morale et la charité chrétienne, il priva Martin de son abbaye et la donna à un autre abbé qui se hâta naturellement de corriger l'erreur de son prédécesseur et ajouta ensuite au vers rectifié le suivant : « Pro solo puncto caruit Martinus Asello », c'est-à-dire « pour un seul point Martin perdit Asello », d'où l'on fit « Martin perdit son âne », asello étant pris dans le sens du substantif latin asellus, petit âne !