Avoir du chien

Un charme un peu canaille 
Quand on sait que l'adjectif canaille dérive de l'italien  canaglia, chienne, on ne s'étonne plus de cette formule. Elle s'applique essentiellement aux femmes qui ont plus que du chic, à celles qui présentent un charme un peu pervers.


Avoir un chat dans la gorge



Quand des grumeaux se formaient dans la pâte, les cuisinières d'antan disaient qu'il se faisait des chas. C'était aussi le nom de la colle d'amidon. « Avoir un chat dans la gorge » n'est donc qu'un jeu de mots entre le chat, l'animal et le chas, le grumeau de substance catarrheuse qui donne cette voix enrouée.
Les Anglais, quant à eux, prétendent avoir « une grenouille dans la gorge » !


Ça casse pas trois pattes à un canard

L'expression signifie tout... bêtement que « cela n'a rien d'extraordinaire, rien de remarquable ». C'est une sorte de crase (= télescopage de deux expressions pour n'en former plus qu'une) de «ça casse pas des briques » - qui signifie exactement la même chose : « cela n'a rien d'extraordinaire, rien de remarquable », elle-même variante intensive de « ne rien casser » - et de « scier les pattes », qui s'emploie pour surprendre vivement, interloquer. Vous en connaissez beaucoup, des canards à trois pattes ??? L'animal décrit étant en soi extraordinaire, lui mettre le grappin dessus et aller jusqu'à lui casser les pattes, voilà bien qui relève de l'exploit !!! De quoi scier les pattes à plus d'un !...


Canard boiteux

Comme tous les canards sont plus ou moins boiteux dans leur démarche naturelle, on peut se demander pourquoi une quelconque vindicte s'attacherait à l'un d'eux en particulier. L'expression, de plus, est curieusement absente de tous les dictionnaires. Si Littré l'ignore, c'est probablement que le  canard boiteux s'est répandu après lui, c'est-à-dire vers la fin du XIXe siècle ou au début du XXe.
Le mot pourrait venir de l'anglais a lame duck dont il est la traduction littérale. A lame duck est une expression qui trouve son origine dans la finance britannique, plus précisément dans le monde de la Bourse où elle désigne un marchand de titres incapable de payer ses dettes, et par extension tout spéculateur insolvable.
Cela, paraît-il, et sous toute réserve, à cause de la démarche vacillante d'un tel individu obligé de quitter le Stock Exchange honteusement dépouillé, sous le regard de glace de ses impitoyables collègues.
La locution est commune outre-Manche. Cela dit, il faut aussi remarquer qu'en anglais, le mot lame a plutôt le sens de « boiteux par accident » ; un autre mot désigne la démarche ordinaire et dandinante du canard : to waddle. A lame duck serait donc plus exactement un canard « blessé, éclopé ». L'image prend vraisemblablement sa source non dans l'animal de basse-cour, mais dans les fameuses chasses au canard sauvage, fort goûtées justement par l'aristocratie britannique du porte-feuille.
C'est en passant au français que l'expression aura pris, par le hasard d'une traduction littérale, cette redondance à effet cocasse qui a assuré sa fortune. Il est possible aussi qu'un croisement se soit produit avec la notion, semble-t-il traditionnelle, de « cheval boiteux ». G. Esnault signale pour 1881 « pas de pitié pour les chevaux boiteux ». L'influence de ce dernier a peut-être favorisé l'extension du sens à tous les traînards, les malhabiles et les malchanceux de toutes sortes que la vie, en effet, Il faut aussi se rappeler qu'un  canard désignant un journal vient du sens de « fausse nouvelle » qu'il avait au XVIIIe siècle : « Conte absurde et par lequel on veut se moquer de la crédulité des auditeurs. Cette nouvelle n'est qu'un canard », dit Littré qui rend compte du passage à la presse par l'acception suivante : « Se dit ironiquement de faits, de nouvelles, de bruits plus ou moins suspects qui se mettent dans les journaux ». 
Pourquoi cette mauvaise réputation ? Il existait préalablement et depuis le XVIe siècle l'expression « vendre un canard à moitié », pour mentir, faire accroire, laquelle en se raccourcissant est devenue « vendre un canard ». « Il est clair, précise Littré, que vendre un canard à moitié, ce n'est pas le vendre du tout, de là le sens d'attraper, de moquer ».


Caner, faire la cane

L'expression, vieillie, signifie « se dérober à propos, faire le plongeon à l'approche du danger », laquelle a donné plus simplement le verbe caner : reculer, fuir, que Littré signale comme étant nu mot très familier.
C'est encore Furetière qui explique le plus délicatement l'origine de l'expression : « On dit aussi qu'un homme fait la cane pour dire qu'il recule par lâcheté dans des entreprises périlleuses, ou qu'il manque à ce qu'il s'étoit vanté de faire, à cause que les canes sont si timides, qu'elles baissent la tête en passant par une porte, quelque haute qu'elle soit ». Pratique internationale, peut-être, car les anglais disent to duck dans le même sens.
Quant à caner, mourir, il semble venir d'un renforcement argotique du précédent jeu de mots avec canner, s'en aller, quitter les lieux, c'est-à-dire jouer des cannes, des jambes.



Copains comme cochons

Comme de vulgaires associés 
Le cochon n'a jamais eu bonne réputation (un tort fort dommageable, il faudrait étudier en classe la pièce de Raymond Cousse, Stratégie pour deux jambons : un régal !!!...). Bref, le cochon mange salement, il est méchant, toujours bête, souvent saoul, joueur de tours à ses heures, parfois même mangeur de perles ! Mais on ne le savait pas aussi facile à se lier d'amitié ! En fait, au Moyen Âge, il y  cochon et cochon, autrement dit, l'animal et l'ami. En ancien français, le soçon (du latin socius) ou chochon était le camarade, l'associé. L'apostrophe mi-amicale mi-insultante « eh bé, mon cochon ! » a la même origine.



Donner sa langue au chat

Madame de Sévigné s'exclame dans sa lettre célèbre sur le mariage de monsieur Lanzin : « Ne devinez-vous pas, jetez-vous votre langue aux chiens ? ». On passe du chien au chat au XIXe siècle sous l'influence des enfants qui adorent jouer aux devinettes. A cette époque, il y a un chat dans chaque maison pour faire la chasse aux souris. Le chat est donc un animal plus familier à leurs yeux que le chien, compagnon du père pour la chasse.

Ecrire comme un chat

Comme un greffier 
On comprend qu'une écriture petite et serrée puisse faire songer à des pattes de mouche mais pas à un chat. C'est oublier qu'un greffier  (littéralement « celui qui écrit ») est un chat en argot. Et qu'une griffe est un paragraphe !


Enfourcher son dada

« Dia ! Dia ! » criaient les cochers en claquant leur fouet, « Da ! Da ! », reprenaient les bambins. C'est ainsi que le noble animal, la «plus belle conquête de l'homme» est devenu  dada dans la langue enfantine, dès les temps anciens, comme naguère l'automobile était devenue toto.
Il est naturel qu'un animal à la fois aussi prestigieux pour un enfant et aussi familièrement quotidien ait toujours constitué le jeu favori des petits garçons, sous la forme de substituts divers, allant du simple bâton empanaché au cheval de bois toutes catégories, dont la chaise à bascule ornée d'une tête de bidet constituait la version bébé. Selon Rabelais, un ancêtre de Pantagruel avait échappé au Déluge en chevauchant l'arche de Noé dans laquelle, vu sa taille, il n'avait pu trouver place : « Il estoit dessus l'Arche à cheval, jambe deça, jambe delà, comme les petitz enfans sus des chevaulx de boys ». La fascination pour le jouet s'est transportée naturellement sur les amusettes et autres idées fixes du monde adulte, qu'il s'agisse d'une collection de castagnettes andalouses ou bien d'obscurs branchements de radioamateurs.
À noter au passage que l'anglais hobby, de hobby-horse (cheval de petite taille) a exactement le même sens et la même évolution. « Enfourcher son dada » est donc à peine une métaphore : « Un homme qui n'a point de dada ignore tout le parti que l'on peut tirer de la vie », affirme Balzac.


Être comme l'âne de Buridan

Entre son et seau d'eau 
Mais au fait, qui était ce Buridan dont on parle si souvent ? Un fermier, un meunier, un ânier ? Pas du tout ! Jean Buridan était un philosophe médiéval qui n'était sans doute jamais monté sur un âne, étant donné son rang de recteur de l'Université de Paris. Son âne était tout symbolique, et dans son discours, personnifiait l'indécision. Par quoi commencerait un âne ayant également soif et faim ? Par le seau d'eau ou le picotin ? L'âne n'ayant su prendre de décision mourut tout à la fois de faim et de soif, entre ses deux seaux...


Être comme un coq en pâte

On a commencé par dire comme un coq au panier, couché bien confortablement dans un panier pour être vendu au marché. Être comme un coq en pâte apparaît en 1672 dans le sens de se trouver bien au chaud dans son lit en ne montrant que la tête, à l'image de la volaille que la cuisinière couche dans un lit de pâte ne lui laissant dépasser que la tête, avant de la passer au four. Vivre comme un coq en pâte prendra le sens de mener une vie confortable, comme celle du riche, du bourgeois, ceux qu'on appelait les coqs. 
Etait aussi taxé de coq l'homme qui se donnait des airs d'importance. Il y avait ainsi le coq de village, le coq de paroisse, ou comme dans le roman éponyme de Michel Tournier, Le Coq de bruyère. Le coq de village deviendra le galant courtisé des femmes que plus tardivement.


Être le dindon de la farce

Un vrai pigeon 
D'abord pigeon, la dupe est devenue dindon au début du XIXe siècle. Ce volatile avait la même réputation de bêtise que la bécasse. Une femme stupide était traitée de dinde, un imbécile de dindon. Un mari dindonné était un mari trompé. Originaire du Mexique, le dindon n'a été introduit en France qu'au XVIe siècle. Le dindon de la farce est donc la victime d'une farce comme en interprétaient les troupes de saltimbanques au Moyen Âge. Mais c'est une pièce de Feydeau, Le Dindon (1896) qui popularisa la locution.



Être vache

Tout avachi 
Au temps de Flaubert, être vache avait un tout autre sens qu'actuellement : c'est être mou, avachi. Comme une vache qui regarde passer un train, dira-t-on plus tard. C'est sous l'influence du coup de pied en vache que ce paisible ruminant est devenu synonyme de méchant. C'est à la caserne ou en prison − le mot y est né − que se rencontre le plus vache de tous, le gradé ou le maton, une véritable peau de vache.


Faire un effet bœuf

Promené en grande liesse en tête du défilé du carnaval, le bœuf gras (on l’appelait aussi bœuf viellé car il était mené au son de la vielle), spécialement engraissé et paré par les compagnons-bouchers, ne pouvait que remporter un succès bœuf.
La pauvre bête ne savait pas, hélas ! qu’elle finirait dans l’assiette des notables pour le festin du Mardi Gras. Ce sont les élèves de Saint-Cyr qui, les premiers, ont utilisé le terme de bœuf dans le sens d’énorme, de colossal.


Garder à quelqu'un un chien de sa chienne

L'expression signifie tout bonnement « se promettre une vengeance analogue au mal qu'on a subi de quelqu'un » - qui l'eut cru ?!! On peut la lire jusque chez Balzac sous une forme altérée : « promettre le même chien que sa chienne » (in Splendeurs et Misères des Courtisanes), formulation qui insiste sur l'identité des mauvais traitements promis, mais n'implique pas la réciprocité.



Kif-kif bourricot

Ce sont les soldats du père Bugeaud qui ont ramené le terme d'Algérie. Sa forme d'origine était « têtu kif-kif bourricot », soit têtu comme les ânes réquisitionnés pour le transport des armes et des vivres de l'armée d'Afrique. En Algérie, kif veut dire «comme» et kif-kif « c'est tout comme ».


Laisser pisser le mérinos

En 1867, quand naît l'expression, le mérinos est un tissu à la mode. Importée d'Espagne, la laine fine du mouton mérinos permettait la confection de robes légères et de tapis de billard. Manger du mérinos, comme on disait alors, était s'adonner à la passion du billard.
À la même époque, prendre son temps se disait « laisser pisser la bête », à l'image du cheval ou de l'âne qui doivent s'arrêter pour uriner alors qu'il peut déféquer sans difficulté tout en trottant. L'énurésie de cet ovin a fait pisser beaucoup d'encre : pourquoi le mérinos ? Est-ce dû à la vogue du nom ? Ou à la contagion de la locution voisine : « laisser bouillir le mouton » qu'emploie Vidocq dans le même sens ?
Il est une dernière hypothèse encore : N'y aurait-il pas un rapport avec le filet d'eau qui pisse du robinet ? Les premiers robinets affectaient souvent la forme d'une tête de mouton d'où leur nom de robinet ou de petit robin, l'ancienne appellation du mouton.


Le coq gaulois

Vieille blague romaine Le coq n'a jamais été l'emblème de nos ancêtres les Gaulois mais simplement l'objet d'un jeu de mots de Romains qui se moquaient de leurs voisins chevelus : en latin le même mot gallus désigne à la fois le coq et le Gaulois. Il faudra attendre le IXe siècle pour voir le coq grimper au sommet de nos clochers. Le chant du coq annonçant le lever du jour était le symbole de la résurrection. Au XIIe siècle, les Allemands et les Anglais reprendront la vieille plaisanterie des Romains et attribueront le coq comme emblème aux Français, l'inverse dérisoire de l'aigle impérial germanique, l'adversaire vaincu d'avance du léopard britannique.
Au XVe siècle, l'humanisme ressuscite les Gaulois. Les sujets du roi se parent alors du nom de Galli. L'entourage de Charles VII se met à célébrer le coq blanc, généreux combattant, considéré comme un des oiseaux les plus nobles d'alors car porteur de couronne et d'éperons. Il commence aussi à figurer dans beaucoup d'allégories.
La Révolution le consacrera trois siècles plus tard. Le coq dit gaulois remplace la fleur de lys sur les drapeaux de 1789 et de 1830.


Le mariage de la carpe et du lapin

Alliance incongrue, le choix de la carpe et du lapin peut surprendre. Il l'est encore plus quand on apprend que cette expression d'allure médiévale date de 1934 !


Les chiens aboient, la caravane passe

La locution s'entend comme suit : les chiens peuvent bien aboyer, ils n'empêcheront pas la caravane de passer. Autrement dit, « les cris et les protestations n'empêchent pas les grandes entreprises de se faire ». Dans le même ordre d'idée, il y a « chien qui aboie ne mord jamais », soit « ceux qui menacent et manifestent leur colère ne sont pas les plus dangereux ».
Il va sans dire que la caravane en question n'a rien à voir avec les camping Trigano ! La caravane nous est venu du temps des Croisades, du persan kârwân, qui signifie « file de chameaux » (1160-1195). Le mot s'est vite étendu à une file de voyageurs, puis, par extension, à une troupe de gens allant de compagnie ; on pourrait le traduire par convoi.

Manger de la vache enragée

Vivre de privations, être dans la misère 
Apparue au début du XVIIIe siècle, l'expression se disait à l'origine manger la vache enragée (forme attestée en 1611). « Sans l'illusion où irions-nous ? Elle donne la puissance de manger la vache enragée des Arts », Balzac 
Littéralement, être dans un tel état de dénuement et de faim qu'on en est réduit à manger de la viande des bêtes tuées par raison d'hygiène (bêtes malades). On a pu passer de l'idée de  consommer de la vache malade à cette expression par emploi d'un adjectif qui désignait la vie difficile : enragé, comme dans «mener une vie enragée ».


Ménager la chèvre et le chou

Pour traverser la rivière
Qui sait résoudre l'énigme vieille d'au moins mille ans ? Comment faire traverser la rivière à un loup, une chèvre et un chou sur un bac si petit qu'en plus du passeur, il ne peut porter qu'un seul des trois protagonistes ? S'ils restent sans surveillance, la chèvre mangera le chou ou le loup la chèvre.
Solution : Pour ménager le chou (dans son sens ancien de manier avec adresse), il faut faire passer la chèvre en premier, revenir à vide, faire passer le chou, revenir avec la chèvre, et passer enfin le loup, revenir à vide chercher la chèvre. Simple, non ?


Nerf de bœuf

Rien que la verge du taureau
Les chevillards ne laissaient rien perdre des animaux qu'ils abattaient. Même la verge du taureau qui était durcie par dessiccation et étirée pour en faire une matraque.


Nous n'avons pas gardé les cochons ensemble !

Ainsi a-t-on commencé à s'exclamer depuis 1865 quand quelqu'un se montrait un peu trop familier sans que rien ne l'y autorisât. 
Cette énergique formule remet à distance raisonnable le grossier personnage qui contrevient lourdement au respect des distances sociales. Ce genre de réparties émane des couches sociales dites supérieures, où les rapports égalitaires ne sont convenables qu'entre gens du même monde. 
La référence aux gardeurs de cochons connote évidemment la grossièreté de la tâche, comme de l'origine sociale de ceux qui l'accomplissent. 
D'autres variantes font intervenir les dindons, les vaches ou les oies, tous substantifs employés figurément pour désigner de manière péjorative des personnes (sottes, grossières, etc.), et l'on ne trouve pas, dans cet emploi, «garder les moutons, les chèvres ».


Il n'y a pas de quoi fouetter un chat

Cette expression cruelle date du XVIIe siècle, et la mise en rapport des mots chat et fouetter en locution est ancienne : on disait à la même époque qu'une personne était « éveillée comme chat qu'on fouette ».
Il est bien probable que ce fouetter n'est pas un innocent équivalent de battre, mais provient d'un à-peu-près avec  foutre.

Peau de vache

Le plus vache de tous
Au temps de Flaubert, être vache avait un tout autre sens qu'actuellement : c'est être mou, avachi. Comme une vache qui regarde passer un train, dira-t-on plus tard.
C'est sous l'influence du coup de pied en vache que ce paisible ruminant est devenu synonyme de méchant. C'est à la caserne ou en prison − le mot y est né − que se rencontre le plus vache de tous, le gradé ou le maton, une véritable peau de vache.


Poser un lapin

Oublier le petit cadeau d'usage
C'est dans le milieu de la prostitution au siècle dernier que la locution est née. Une fille se faisait « faire cadeau d'un lapin » ou « poser un lapin » quand son client, après avoir pris son plaisir, détalait comme un lapin en oubliant de rétribuer ses faveurs. 
À l'image des voyageurs qui, au temps des diligences,  montaient en lapin en s'asseyant à côté du cocher pour ne pas avoir à payer. Par allusion aux clapiers exigus, le terme de lapin s'appliquait depuis 1783 aux voyageurs entassés dans les coches. Au temps des omnibus, le lapin deviendra le surnom du passager en surnombre non enregistré mais dont le conducteur empochait les six sous. Sous l'influence du verbe poser, faire attendre, poser un lapin finira par prendre son sens actuel : « manquer un rendez-vous ».


Prendre le mors aux dents

Quand le cheval en a assez de suivre la volonté de son maître, il agrippe les branches du frein − ou mors − avec les incisives, empêchant ainsi l'engin de lui tirer douloureusement les commissures des lèvres. Il peut dès lors en faire à sa tête.
« On dit figurément, Prendre le mors aux dents, pour dire, prendre une bonne résolution & l'exécuter », écrit Furetière. Une vieille habitude apparemment chez les chevaux. Vers 1225, dans le Roman de la Rose, de Guillaume de Lorris, Raison conseille à l'amoureux de se ressaisir contre sa propre passion : « Prends durement au denz le frain Si dente* ton cuer et refrain. Tu dois metre force et desfense encontre ce que tes cuers pense ».


Sauter du coq à l'âne

C'est se montrer... chaud lapin !!! 
Quand deux animaux s'accouplent, on dit que le mâle couvre ou saillit la femelle. Il n'est que de voir le coq sauter de poule en poule dans une basse-cour pour se rendre compte que saillir et sauter sont deux formes d'un même verbe. Ne dit-on pas « sauter une nana » ? Si les poules en chaleur sont trop peu pour satisfaire l'appétit sexuel de ce chaud lapin, il arrive que l'on assiste à une « saillie du coq en l'ane », c'est-à- dire que l'on voit avec stupeur un coq sauter sur une cane. L'amour ne connaît pas de frontières ! Le mot ane (sans accent circonflexe) est l'ancien nom de la femelle du canard (du latin ana). La forme première de l'expression « saillir du coq en l'asne » montre qu'il y avait déjà, au XIVe siècle une confusion entre l'ane et l'âne. N'étant plus comprise, l'expression se verra attribuer son sens actuel.
À l'appui de cette hypothèse, Claude Duneton cite une autre expression, « autant que le coq au cul de la cane », qui dans le Roannais a le même sens que mettre cautère sur une jambe de bois.



Se mettre à poil

L'expression dans son acception tout à fait ordinaire de nu comme un ver, paraît s'entendre d'elle-même puisque dans la tenue d'Adam et Ève, tout un chacun montre ses poils là où ils sont ! 
Il s'agit pourtant d'une motivation secondaire qui fait aujourd'hui la drôlerie et peut-être le plaisir du mot. En réalité, à poil s'est d'abord appliqué aux chevaux, et constitue une variation de l'expression à cru, qui signifie à même le poil, sans selle ni couverture : « On dit aussi qu'on monte un cheval à poil, quand on le monte sans selle & le dos tout nud », écrit Furetière. Autrefois, les deux expressions s'employaient indifféremment en équitation. Ne pas confondre : « Un garçon d'écurie vint à poil et au grand galop me trouver » (Barbey d'Aurevilly) ne veut pas dire que ce sacré gaillard courait tout nu !!! 
Cela dit, à cru s'employait également pour les personnes dès le XVIIe siècle pour à peau nue. « Leurs transparents seraient plus beaux si elles voulaient les mettre à cru », suggère Mme de Sévigné.
Il est toutefois difficile de savoir si l'on disait également à poil dans le même sens à cette époque, mais il est fort probable que non. À poil avait alors un tout autre sens : celui de brave, courageux.
« Un homme à poil, un homme résolu », dit Littré. C'est ce sens qui a donné les fameux « poilus » (les intrépides), dès avant la guerre de 14-18. Le poil de la virilité, de la bravoure, le poil guerrier - lequel a donné « avoir du poil au ventre », « au cul » et même « aux yeux » - nous vient de loin.
« Si notre estomac est velu Mars, 
comme nous, l'avait pelu »
écrivait Du Bellay, évoquant le dieu de la Guerre.
Et avant lui, Rabelais rapporte la tradition de vertu et de force accordée à la pilosité. Lorsque Pantagruel naquit, les sages-femmes s'émerveillèrent :
« ... Voicy sortir Pantagruel, tout velu comme ung ours, dont dist une d'elles en esperit prophétique : Il est né, tout à poil : il fera choses merveilleuses ; et, s'il vit, il aura de l'eage ».
En tout cas, les deux sens de à poil - force et nudité - ont coexisté un certain temps avant que le second l'emporte. On peut être certain toute fois d'une chose : dans les salles de garde de la cavalerie, la perspective de monter tantôt un cheval à poil, tantôt une femme de même, a dû faire rire aux larmes plus d'un grenadier !