L'expression dans son acception tout à fait ordinaire de nu comme un ver, paraît s'entendre d'elle-même puisque dans la tenue d'Adam et Ève, tout un chacun montre ses poils là où ils sont !
Il s'agit pourtant d'une motivation secondaire qui fait aujourd'hui la drôlerie et peut-être le plaisir du mot. En réalité, à poil s'est d'abord appliqué aux chevaux, et constitue une variation de l'expression à cru, qui signifie à même le poil, sans selle ni couverture : « On dit aussi qu'on monte un cheval à poil, quand on le monte sans selle & le dos tout nud », écrit Furetière. Autrefois, les deux expressions s'employaient indifféremment en équitation. Ne pas confondre : « Un garçon d'écurie vint à poil et au grand galop me trouver » (Barbey d'Aurevilly) ne veut pas dire que ce sacré gaillard courait tout nu !!!
Cela dit, à cru s'employait également pour les personnes dès le XVIIe siècle pour à peau nue. « Leurs transparents seraient plus beaux si elles voulaient les mettre à cru », suggère Mme de Sévigné.
Il est toutefois difficile de savoir si l'on disait également à poil dans le même sens à cette époque, mais il est fort probable que non. À poil avait alors un tout autre sens : celui de brave, courageux.
« Un homme à poil, un homme résolu », dit Littré. C'est ce sens qui a donné les fameux « poilus » (les intrépides), dès avant la guerre de 14-18. Le poil de la virilité, de la bravoure, le poil guerrier - lequel a donné « avoir du poil au ventre », « au cul » et même « aux yeux » - nous vient de loin.
« Si notre estomac est velu Mars,
comme nous, l'avait pelu »
écrivait Du Bellay, évoquant le dieu de la Guerre.
Et avant lui, Rabelais rapporte la tradition de vertu et de force accordée à la pilosité. Lorsque Pantagruel naquit, les sages-femmes s'émerveillèrent :
« ... Voicy sortir Pantagruel, tout velu comme ung ours, dont dist une d'elles en esperit prophétique : Il est né, tout à poil : il fera choses merveilleuses ; et, s'il vit, il aura de l'eage ».
En tout cas, les deux sens de à poil - force et nudité - ont coexisté un certain temps avant que le second l'emporte. On peut être certain toute fois d'une chose : dans les salles de garde de la cavalerie, la perspective de monter tantôt un cheval à poil, tantôt une femme de même, a dû faire rire aux larmes plus d'un grenadier !